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15/09/2024

La prise de conscience, nette et tranquille, de mon bonheur, met en moi depuis une semaine, jusqu'au milieu des désagréments et des appréhensions et des fatigues, une joie très douce: celle d'être moi aussi heureuse ! 

Je ne me sens plus à part, mais comme tout le monde, une parmi d'autres, avec heurs et malheurs, tout simplement, avec du très beau jusque dans le terrible. 

Et je puis dire que ne plus se sentir à part, c'est vraiment délicieux !  

L'heure est venue pour moi de clore ce journal. Ses dernières pages disent un processus allé jusqu'au bout. 

Je me retourne brièvement, regarde le chemin parcouru, caresse des yeux le paysage éloigné maintenant de mon entrée en vieillesse. Une douce reconnaissance flue en moi comme source artésienne. Moment délicieux. 

Je puise en lui la force d'avancer encore, déterminée, vers plus difficile. Je me présente sur le seuil. En ces pages qui s'arrêtent, je le fais avec un projet de vie, autre mais bien en continuité avec le précédent dont ce journal témoignait, au moins aussi ambitieux. Il relève de l'obstination très douce, au cœur de la délicieuse absence, en très haute solitude qui met mystérieusement bien en relation avec le monde, avec les mondes...

L'écriture, qui pour moi est équipement, maturation, prière et partage, continuera, je ne sais pour qui, lancée dans les étoiles. C'était Vieillir avec grâce, ce sera quelque chose comme Etre vieille en grâce. 

Par association d'idées, me revient le propos d'un détenu à mon sujet la semaine dernière, la rumeur courant qu'il voyait une femme en parloir, lui, normalement isolé : « Mais c'est juste ma visiteuse de prison ! Ce n'est pas autre chose ! Oui, c'est une femme et c'est une belle femme !!! Mais elle a 67 ans ! » 

Etre vieille en grâce sera la poursuite de cela, je ne sais certes selon quelles modalités, sauf que ce sera plus en retrait. Oui, mon corps va devenir vieux cep noueux ; oui, un processus de perte des cheveux s'est amorcé qui s'amplifie ; oui, il y aura des handicaps ; oui, il y aura des dépossessions et des chagrins et de terribles solitudes. Mais, en tout cela, de tout cela, je ferai avec la Vie du beau, pas moindre, autre, neuf !

 

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