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21/05/2023

Il est des relations, avec certains pairs, pour moi difficiles. Suite au revoir, j’ai envie de pleurer ou de mordre. Suite au revoir, je retrouve tout ce que je vis appesanti et recouvert d’un voile opaque. Suite au revoir, je dois batailler avec moi-même pour retrouver l’optimisme courageux. 

Le constater ne discrédite personne : ni ces personnes, ni moi. Il y a simplement que nous ne pouvons pas, n’avons pas, à cheminer ensemble. L’affection sera, paradoxalement, de nous ″donner la route″ chacun de son côté, avec un geste de la main qui de loin salue, reconnaît, respecte.   

En responsabilité, je maintenais de bon cœur ces relations. C’était pour ne pas lâcher ces êtres qui semblaient désireux de la relation, le disaient du moins. Je travaillais déjà beaucoup sur moi-même pour ne pas être tirée vers le bas et protéger en moi saveurs, couleurs, parfums, sourire bon, mais ce n’était pas seulement pour moi-même, enfant des hommes, c’était aussi par souci d’autrui en ma fonction de professeur, conférencière, engagée en paroisse. Je ne regrette pas d’avoir vécu ainsi. C’était à faire en ce temps de ma vie. 

Aujourd’hui, je n’en ai plus la force et je crois que justement ça ne m’est plus demandé. Je ne suis plus en fonction, nulle part. Has been. Je pense qu’il est juste demandé à la petite vieille que je suis de ne pas déprimer les autres. C’est ce que j’appelle ne plus être en responsabilité. 

J’en reste donc désormais aux relations dans lesquelles l’autre veut vraiment me voir, dit « je veux ». Gardant les relations, inspirantes, je rencontre ceux qui ont l’ambition d’une ivresse très sobre, non pour autrui, non pour moi, mais pour eux-mêmes, bien au fait quant à leur(s) vulnérabilité(s) et follement épris de la délicieuse absence, celle qui dans le manque les lance, peut-être à leur insu les soutient. 

Je rencontre ces pairs dans mes amitiés et dans ma famille, dans le monde carcéral, dans les couloirs où l’on délire etdans les chambres où l’on meurt, parmi mes médecins et les auteurs que je lis, chez les spirituels, y compris agnostiques ou athées. 

J’aime leur puissance que révèle l’absence de mépris pour qui que ce soit, pour quoi que ce soit, ce que le ton infailliblement signale. Je contemple, reconnaissante, leur beau courage du face à face avec soi-même, en leur force et leur fragilité, dans les effrois et les émerveillements. 

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