27/03/2023
J’ai senti nettement hier que l’heure du passage d’un lieu à l’autre était venue.
L’inconscient a bien perçu les choses : je voulais me réveiller tôt malgré la fatigue, je me réveille spontanément un peu plus tôt encore ; la date - éphéméride consulté après coup ! - est la saint Ludolphe, qui n’est pas sans faire penser en Alsace à l’érudit Ludolphe le Chartreux.
Je m’élance de toutes mes forces. Vite vite vite, je transfère les affaires d’utilisation quotidienne de mon appartement au studio. Je vais comme une tornade. Mon cœur bat fort, parfois en désordre.
Pourquoi ? J’ai lu assez de livres de gériatrie pour comprendre. Ils disent le choc émotionnel, toujours sous-estimé, de ce déménagement. Ma promptitude n’a rien de précipité. C’est un sursaut de l’être pour du très, presque trop, difficile. Si je ne me bousculais pas, je ne pourrais pas franchir ce qui est à franchir. C’est comme un « saut du cerf » d’un flanc de montagne à l’autre par-dessus le vide.
J’ai la chance d’avoir noué un vrai dialogue avec mes médecins. Je pousse la porte de l’un d’entre eux, généraliste. Il y a un peu d’attente, sur fond de jazz en sourdine. Excellent : je puis me poser. En consultation, je dis tout, en vrac. Que c’est bon de pouvoir parler à ce professionnel de qualité, qui m’écoute, grave, sans expression personnelle aucune, aussi objectivement que possible ! Cœur ? Très bien. Tension ? Très bien. « Alors le stress ? » J’aime la réponse du médecin, apparemment non technique, apparemment succincte et cependant bien technique et complète. Délivrée en français de tous les jours, très beau, elle m’aide à m’aimer en ces circonstances, où je peine : « Le ressenti ».
Le soir, chargée d’autres affaires du quotidien, exténuée, j’entre dans le studio pour y habiter. J’y serai en locataire. Il n’est désormais plus question de vivre « chez moi », « propriétaire », ce que je fus quelques années. Je le veux, je le choisis.
Dès le seuil, c’est l’émerveillement. Tout mon être en frémit.
Je suis bien dans une « Chambre haute ». Très doux et de grande noblesse, ce studio est un bijou d’architecture intérieure. Il se laisse visiter par une lumière glorieuse. Il donne l’espace à perte de vue, ville, montagnes, ciel… Je contemple. Monte en moi la parole de Baudelaire : « Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté » couplée à celle du Livre de l’Exode : « Le lieu où tu te tiens est saint. » Oui, je suis en Macom.
J’ai donc la chance de disposer là, peut-être pour quelques années, peut-être pour plus longtemps, en puissance et tendresse, à la fois d’un lieu bon à vivre, d’un sanctuaire et d’une aire. Voici qui dépasse tout ce que je pouvais imaginer pour mon projet de vie en ce temps de mon existence.
J’habite maintenant au 8e ciel, 8e étage. Je me fais explicitement la promesse de ne jamais rentrer dans ce lieu sans en avoir conscience.