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21/01/2023

Il est là, cet ange, en cette décoratrice venue à mon appel alors que je ne la connaissais pas, venue à mon appel à une heure incongrue, par moi insolemment risquée parce qu’à ce moment précis j’avais la force d’enclencher le processus, ce qui ne serait plus un quart d’heure plus tard. 

Je me suis d’instinct fiée à cette femme, juste à partir de quelques mots au téléphone. Le premier face à face fut d’immédiate complicité. Maintenant, quand je pense à elle, je souris. J’aime qu’avec elle on comprenne tout de suite, à son look, qu’ « habit », « habiter » et « habitude » aient même étymologie ! C’est franc et la Frank que je suis estime cette clarté sans ambigüité ni concessions en la présentation de soi.   

Cette femme est, pour moi en mon passage, présence angélique. Cette femme allège le poids et plus rien ne pèse, y compris matériellement puisqu’elle prend tout en charge, concrètement. Maintenant que je suis engagée dans les délais d’attente administratifs qui seront ensuite les délais d’attente pour rénovation et maintenant que tout est dans le flou, j’aurai du mal avec le temps. Mais cette femme est là au loin. Je sais que c’est une fonceuse. Elle a la réactivité que j’aime, qui adhère à mes propres rythmes mais aussi aux nécessités du réel, qui épouse les impératifs spirituels d’une Pâque. Je sais que cette femme, déjà, à mon insu, œuvre. 

Que cette personne inconnue me sécurise, me donne de disposer du temps, de la liberté physique et psychique et spirituelle pour bien partir et bien aller vers, calme et concentrée, n’a pas de prix. Or son prix sera vraisemblablement très raisonnable.

Je constate qu’elle m’a déjà permis, rassurée par sa présence, de voir ce que je ne voulais pas voir et de mieux voir ce que je voyais. Ses suggestions d’aménagements opèrent en moi, ouvrent des perspectives là où j’acceptais de réduire. Elles me font bouger dans mes présupposés, découvrir d’autres formes de beauté. 

La force de caractère de cette jeune femme soutient ma propre détermination et la fait aller plus loin encore. Déjà ! Pourtant nous n’en sommes qu’au début du parcours. C’est bien l’ange de Loth : l’inconnu est là au moment décisif du partir à la fois imposé par le réel et choisi en toute liberté, il pousse en avant, il sauve. Me reviennent à la mémoire ces vers du poète Pierre Emmanuel dans Sodome, en son poème ″La statue de sel″ :   

« Je t’ai pris par la main, dit l’Ange. (…)

Je t’ai poussé comme un  criminel à l’épaule, chassé, tel un bétail que menace le feu : la foudre, non, le vent t’arrache ! (…) Sous tes pas je dérobe à l’infini la terre. »

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