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26/01/2022

« Profite de ta retraite » me disait-on sur son seuil. Je ne comprenais pas bien. Maintenant je comprends.

Oui, j’ai une chance "dingue", surtout en situation de célibat ! N’avoir plus de cadre, n’être avec personne, et ne plus compter pour rien, c’est ultra dangereux, parfois bien difficile et très douloureux, mais cela comporte bien des avantages. 

Je n’ai pas à m’ajuster aux rythmes d’un intime. Je puis ne pas avoir d’horaire de repas, je n’ai pas d’heure de retour chez moi. Personne ne m’attend ! J’ai le temps, tout mon temps. Je peux m’investir de jour ou de nuit, quand je le veux, autant que je le veux, trop. Je peux prendre des risques, beaucoup de risques. Je ne les envisagerais pas s’il y avait quelqu’un à la maison, pour ne pas inquiéter. Ce sont des conditions qui me permettent d’accéder à des mondes généralement peu visités, passionnants. 

Je ne suis pas de garde pour les petits enfants. Je puis ainsi, dans mes rendez-vous, maintenir une parole très stable, ce qui est favorable à ″l’embauche″, et, expérience faite, opère, ouvre bien des portes, donne accès à ce qui se joue derrière elles, pour du fort, confiant.

Je n’ai aucun souci d’intendance. Je puis vivre ma vie de femme et en femme et en homme, beaucoup à l’extérieur, et avec les hommes, qui, si la vie familiale ne les a pas engloutis, justement sont beaucoup à l’extérieur, très engagés dans la vie associative, en ″bosseurs″. Cette vie me va comme un gant, d’autant plus qu’elle est bien équilibrée par une intimité avec moi-même que permet encore ma solitude, dans un petit appartement tabernacle porteur, agencé selon ce que j’estime avoir à être. 

Je m’épargne des tâches qui ne me passionnent pas, bien qu’on me les dise heureuses : cuisiner, recevoir, - donc faire les courses et beaucoup de ménage -, langer, garder, m’occuper des loisirs de petits. Par voie de conséquence, je n’ai ni à gérer le barbecue qui me plaît cinq minutes mais pas plus, ni la piscine onéreuse que la majorité des seniors français, quand ils en ont une, selon les statistiques, met en place et entretient à sa retraite, sans vraiment l’utiliser soi-même, pour que viennent les gamins et donc leurs parents). 

L’enfant et l’adolescent, l’adulte aussi, ont besoin, autant que de l’accompagnement dans le long terme donné par leur famille, de la rencontre ponctuelle, à jamais fidèle cependant, toute de liberté et de responsabilité, caractérisée par le refus, qui est mien, de gérer ses affaires à lui, même s’il est tout jeune. Ceci, je puis le donner plus facilement, surtout en l’âge maintenant mien, que quelqu’un qui a des enfants et transfère. 

Ma retraite en situation de célibat – ou mon célibat en temps de retraite - me donne effectivement l’occasion, rarement saisie en notre société si bien que j’ai l’impression, à tort, d’inventer, de m’éclater, en vivant au-delà de mes forces, par-delà mes limites, ″à donf″, en grand écart, speed, lancée dans la vie qui se donne, ceci sur une durée que j’évalue encore à une dizaine d’années, si tout va bien, donc comptée. 

Ils avaient raison ceux qui me disaient : « Profite de ta retraite ! ». Jalmalv, Petits Frères des Pauvres, Armée du salut, Maison d’Arrêt, internat pour jeunes filles en révolte, mairie, mannequinat, restauration, c'est fabuleux ! Mais que je ne me plaigne pas si je suis fatiguée !!!

fleur2