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08/11/2021

M’a énervée ! Oui, la jeune kiné m’a énervée. Pourtant, j’aime les jeunettes, mieux, les chéris… 

Je faisais l’écrasement facial sur mon lit d’hôpital, quand celle-ci est entrée inopinément, ayant frappé à la porte cependant. Regard surpris. 

« Bonjour » plein de bonne volonté mais tout à fait stéréotypé, avec le ton jovial d’aujourd’hui et la formule type d’aujourd’hui, les deux sans doute appris en cours et consciencieusement appliqués. Je me suis sentie traitée en idiote, je n’ai pas aimé

Déroulement du baratin tout prêt et du planning tout fait pour mon retour prochain, dont tout le monde ignore encore la date. Aucune connaissance du dossier. Préconisations autres que celles du chirurgien qui opérait déjà quand la jeune femme n’était pas née. Vague perception de son décalage mais aucun effort pour essayer de bouger dans ses rails et essayer de découvrir l’autre. 

Rien de tragique. Cela peut en rester là : « Au revoir » et « Bonne journée ! » sincères. Pourquoi pas ? Tout serait bien. 

Mais voici que la jeune kinésithérapeute me parle de déambulateur. Je réfute, moi qui limite au maximum les objets dans mon espace tout petit, moi qui vois bien que dans ce cas je n’aurai plus la place nécessaire pour évoluer dans mon appartement, moi qui ne perçois pas encore bien l’utilité de cette prothèse et surtout ne l’accepte pas, au fond. Je ne vois pas Sittingbull - le vieil Indien, au sol pour arthrose vraisemblablement, qui m’encourage dans l’âge – assorti d’un déambulatoire. 

Mon interlocutrice ne cherche pas à comprendre, sans doute par souci intelligent d’économie d’énergie. Distante, comme indifférente, elle avance sur un autre terrain, utilise un autre biais. Oui, pourquoi pas ?

Elle me parle de canne et m’en tend une pour essai. Là, la professionnelle m’intéresse. Je saisis l’occasion mais la jeune kinésithérapeute ne sait pas s’en saisir. J’exclus, certes, sauf pour exercice à l’instant-même, la canne médicale mais repense aussitôt aux cannes entrevues il y a deux ou trois ans en pharmacie avec beau pommeau d’argent, l’une à tête de cheval, l’autre de lévrier. 

Il est bon, je le sais, d’apprendre à marcher avec canne avant d’en avoir besoin, parce que les réflexes se mettent alors mieux et plus vite en place. L’objet étant fort beau, j’avais envisagé cet achat. La pharmacienne l’avait exclu avec un froncement de sourcils, trouvant l’acquisition prématurée. Je lançai la kinésithérapeute sur ce sujet, avec questions précises. En vain. 

J’abrégeai l’entrevue par un travail rapide et un humour grinçant à mon propre égard. Seule, je repris mes assouplissements en solo dans ma chambre, tant que les muscles étaient encore échauffés. Quelques instants plus tard, je ris, de bon cœur : « Tu viens de faire ta première colère de vieille dame, ma chère… ». 

Le sujet me paraissait clos. Mais je me mis à penser de façon récurrente à l’achat d’une jolie canne à pommeau d’argent avec tête chevaline, oreilles couchées en arrière et naseaux dilatés. 

Quelques heures plus tard encore, je me mis à rire : la jeune kiné avait fait du bon travail, puisque j’en arrivais à ″fantasmer″ pour une canne. La jeunette avait gagné contre moi, la vieille. Délicieux ! La victoire sur moi est de taille, puisque je décide maintenant de ne plus jamais faire de « colères de vieille dame ». Cette expérience me donne à penser que, même légitimes, ces colères sont idiotes.  

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