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26/10/2021

Je voudrais vivre les choses ainsi.

Etape 1

Je reprends cette parole d’enfant ayant laissé tomber par mégarde les clefs de la voiture paternelle dans la bouche d’égouts : « Papa, quand on n’a plus un objet mais quand on sait où il est, il n’est pas perdu, n’est-ce pas ? », ce à quoi, sans se douter de rien, le père donna réponse tranquille : « Non, ce n’est pas perdu. »

Je veux confier mon esprit encore intact et être prête à le laisser ainsi remis. Le confier à qui ? Je pense à Christ : « Entre tes mains, Père, je remets mon esprit. » A Dieu, s’il existe, à la Vie si elle est… Je ne sais, je jette dans les étoiles…

Je veux obtenir de moi cela. Je veux accepter de me disjoindre, de me déposséder, de confier à l’inconnu.

Etape 2 :

Je voudrais lorsque les premières atteintes cérébrales seront là, avertissements, être déjà en maison de retraite, dans une seule pièce, avec mobilier d’hôpital minimaliste, beau, puisqu’aujourd’hui conçu aussi, pas seulement mais aussi, par des architectes d’intérieur.

Je voudrais y être là portée par une équipe veillant, elle, aux soins et au maintien maximal de ma lucidité, avec ma collaboration, mais ayant, elle et non plus moi, le souci de la conservation (ou pas !) pour que je puisse ne pas m’agripper mais aller.

Je veux ainsi m’éviter autant que possible l’angoisse que je vois chez mes aînés quand ils cherchent à préserver leurs facultés anciennes qui cependant les quittent inéluctablement. 

Je veux, autant que possible, par un tel abandon de soi pouvoir mettre mon énergie dans tout autre chose que préserver : me lancer. Si possible vite… Sinon, en ayant une patience qui encouragera les autres, témoin sans plus que je le sache… 

Etape 3

Cet autre chose, c’est de m’appliquer à vivre ce que mon esprit alors vivra : partir dans l’immobilité vers une autre conscience, vers d’autres perceptions et d’autres modes relationnels ou le rien, de moi aujourd’hui inconnus, que métaphoriquement je dirai terres vierges. 

Peut-être bien qu’en la variation maximale, qui consiste ici à se disjoindre, lorsque l’âge en dit le moment, réside l’identité ! Et puis, accepter de se quitter, n’est-ce pas être libre, ″franke″ ?

Non, pas s’agripper ! Non, pas « pouvoir encore » ! Non, oser perdre, sans garantie de gagner en échange, et accepter d’aller et de découvrir. Je veux cela !

fleur2