20/10/2019
Autant que quand j’étais petite, plus consciemment encore que quand j’étais petite, ce qui redouble le plaisir, en l’âge venant, je joue beaucoup. Toute la journée, je joue.
Cela commence par le regard sur le grand ciel à 5h du matin : « Quelle robe as-tu mise aujourd’hui ? » Choisir en adéquation ma propre tenue, aussi belle que dans les contes de fée est alors bonheur.
Puis, je joue – mon lecteur aussi, j’en suis sûre !- à la marelle, qui fait passer des enfers au ciel, parfois en un instant. Je joue au manège. Génial ! Là, ne pas attraper ce qui était à portée de la main n’est pas si grave que ça : c’est juste devoir – mais est-ce vraiment une corvée ? – faire un tour de plus. Pour ce tour, je choisis le cygne des initiations lumineuses. Je joue aussi dans la journée à balle au camp, où je suis le « prisonnier volontaire », celui qui rejoint qui a mal en dauphin. Et puis, avec Dieu, ce sont des parties de cache-cache : il disparaît souvent et j'aime!
Le soir venu, c’est la magie de la prière douce. Assise en Indien sur le parquet blond près de la lampe, immobile, j’entre en course joyeuse et visite les Palais de l’âme. Passe-muraille, je file par la fenêtre de l’icône dans le grand ciel. Un tapis volant, bleu nuit, le tapis de l’Islam, m’emporte pour ce grand voyage. Ou bien, peut-être parce que je l’ai brodée pendant quarante ans et parce qu’elle se plaît maintenant à veiller en tenture murale sur moi, la licorne de ma marraine se propose pour un grand galop rythmé, paisible.
J'ai conscience, en ce jeu perpétuel, d'être au cœur du mystère chrétien, avec Celui qui dit : « J'ai pris mon plaisir à venir jouer avec les enfants des hommes ». Il joue de la flûte, je ne refuse pas son invitation à danser.
J'ai conscience aussi que c'est grave, que je suis en plein mystère de la Passion ou en préparation à cela. J'ai conscience que c'est là que se jouent le service, ma créativité, mon intelligence spirituelle, que je suis gardée souple dans ma foi et en mon corps, que je suis protégée de toute idéologie dont je pourrais être soit victime soit vecteur, que je suis maintenue libre et fière en toute circonstance. Et je ris !
