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02/02/2025

Parce qu'éprouvées, il est des vigilances que je maintiens : l'attention au corps quotidiennement assoupli et musclé, médicalement surveillé à titre prophylactique, paré ; le refus de tout ce qui m'affadirait ; la prise de distance, avec ce qui est malsain et déprime ; l'attention à ma gestion de l'angoisse ; le recentrage perpétuel sur ce qui est mon désir ; le renforcement de soi par un projet de vie jusqu'en la mort, ma mort. 

Parce qu'éprouvées, il est des stratégies que je maintiens : soigner les premiers et les derniers gestes de ma journée ; entre temps, avoir une insertion dans le monde sérieuse, si possible de service mais non sacrificielle ; la permettre grâce au moment de stillbeiben seule dans du très beau sans quoi l'être se dissout ; maintenir heure par heure le corps droit, naturellement gainé, ce qui, disent les spécialiste de la douleur, aide à traverser l'épreuve ; pas à pas m'émerveiller et pour cela être attention de tous les sens ; avoir très régulièrement mes heures de sommeil, véritable ascèse, pour y parvenir. Quand je suis fatiguée, je fais encore plus de sport et mange moins. 

Parce qu'éprouvées, il est des intuitions que je maintiens. Je persiste dans une certain décentrage, me disant, surtout quand je dramatise : « Mais on s'en fout, Evelyne, de tes états d'âme, et même de tes chagrins ! ». Ce propos, sans méchanceté aucune, tout malicieux, paradoxalement, me protège. Je continue de me faire libre, toujours plus libre, surtout de moi-même, de mes culpabilités, de mes peurs, de toute exigence à l'égard de la vie, de mes attentes et de mes espoirs. Je veux entrer plus profond dans la conscience du fait que nous sommes tous pèlerins sur la terre avec notre chemin à faire selon notre voie à nous, qui nous est propre, unique, et nous faits tous étranges et étrangers, mystérieux, définitivement inconnus et méconnus en même temps que proches et solidaires à jamais. Quitte à risquer ma vie au sens tout premier de l'expression, je choisis me frayer constamment de nouveaux chemins d'investigation dans l'inconnu. Cela prend de plus en plus, alors même que j'ai peur, la forme d'une demande à la "Délicieuse Absence" : « Prends moi et lance-moi ! ». 

 Parce qu'éprouvées, il est des pratiques récemment mises en place que je veux poursuivre : apprendre chaque jour par cœur un segment de psaume ou de poème, le calligraphier – grands caractères, Bauhaus - dans un calepin que j'ai toujours sur moi ; envoyer une lettre par jour à quelqu'un, ami ou ennemi, uniquement bienveillante ; ralentir l'exécution de mes gestes d'entretien du studio aussi souvent que possible ; par temps doux, m'arrêter sans rien faire sur un quai ou dans un jardin public, pour être juste là avec les autres, regardant et plus souvent encore fermant les yeux, à l'écoute, distanciée, des bruits de la ville, des conversations en d'autres langues et des jeux des enfants. 

J'aime qu'insiste mon souhait de faire de ma marche un baiser au sol en chaque pas comme chacun de mes regards vers le ciel est tendresse. C'est dans ce respect amoureux que je veux aller vers ma mort.