20/12/2024
J'ai 67 ans, bientôt 68. Je ne suis plus une jeune retraitée, je suis dans ce que notre société appelle le « bien vieillir ».
Je vais bien. J'aime ma vie, mon corps, ma sensibilité, ce qu'il m'est donné de vivre, ce que j'ai à vivre et comment je le vis, ce que je veux faire de mon vieillissement. Je suis heureuse d'un autre bonheur que celui qu'on imagine habituellement. Il est âpre, fait peur à beaucoup, mais il est remarquablement beau.
Je poursuis mon chemin à moi, menant une vie d'ermite engagé, dans une austérité somptueuse.
Ermite ? Oui, seule, seule, et encore seule. En cette solitude même, la permettant parce que cela me préserve de toute amertume, je suis bien avec tous, de façon sensible, généralement par hasard ou dans l'après coup. Il y a ainsi l'acceptation, pleine de sympathie, par les jeunes, les invisibles, les étrangers. Ils sont nombreux au cœur de la ville, lieu de forte consommation, où j'habite. Des amis, qui tiennent dans la durée, viennent à moi de diverses façons et soutiennent...
Engagée ? Oui. Les lieux sont divers, trouvés dans la liste dite, dans la Bible, des « travaux de compassion », qui m' a bien servi dans la mise au point de mes « demandes d'embauche » en mon entrée en retraite. Ehpad auprès d'un vieux monsieur en délire qui non seulement me fait du bien mais m'enseigne, et en sa paix et en son délire ; quartier d'isolement et unité de détenus violents pour cours - c'est le sommet de ma carrière - ou visite, donc dialogue authentique avec des hommes que j'ai besoin de rencontrer parce que très directs, allant jusqu'au bout - d'où les lourdes peines ! -, d'une intelligence supérieure, qui l'était généralement déjà antérieurement à l'incarcération et que le malheur a encore affinée ; cours particuliers, une dizaine par semaine, vraiment voulus par des élèves de 9 à 35 ans souvent en détresse à l'école et très doués ; écriture pour rien, que je lance dans les étoiles.
J'épouse mon vieillissement, ai décidé d'y vivre un projet de vie en continuité toujours innovante avec celui qui fut initialement mien, en ma jeune maturité, choisis plus que jamais le réel pour maître en dépit de mes inquiétudes, craintes et terreurs, me sens et me veux avec "mon " Dieu, un Dieu de délicieuse absence.