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14/03/2022

Je le pressens, la broderie va me servir beaucoup, en ces circonstances où je me lance dans la visite régulière à des personnes âgées en grande distance avec notre fonctionnement habituel.

Premiers contacts pris, rien de commun ne semble possible, pour le moment du moins. Alors, je pense venir avec ma broderie. Au milieu du délire, elle sera tranquille fil d’Ariane. Dans la pauvreté, elle sera richesse. Dans le dépouillement, elle sera splendeur. La broderie sera ici frontière, ce qui permettra d’être ensemble. Elle sera pour l’autre paravent, ce qui protègera sa pudeur, elle sera pour moi garde-fou, ce qui atténuera pour moi le choc bouleversant. Elle créera les conditions favorables à l’irruption du miracle. Grâce à ma broderie, ma broderie imperturbable, ma broderie faisant sourdre du beau, je serai en mesure de ne rien demander, ni à l’autre, ni au temps, ni à la vie. Cela rendra supportable à l’impossible de venir. La broderie effacera toute nuance sacrificielle en ma visite. J’aurai tant de plaisir à être ainsi à côté de l’autre qu’il le sentira. Il pourra donc tolérer ma présence. Ceci également donnera ses chances à l’impossible. « L’impossible, le miracle » ? Oui, que l’autre puisse s’apprivoiser à ma présence et que soudain puisse alors émaner de lui une indestructible beauté, sa beauté de toujours à toujours, qu’il me revient de savoir approcher. Dès à présent et pour chaque visite, la broderie, dans son sac joli - bien sûr par moi brodé ! - déjà prêt, me donne le courage, le plaisir et donc la force d’aller, selon mon désir, vers ces rencontres à tisser en laissant le fil libre d’éventuellement prendre autre direction toujours.

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