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12/09/2022

Ma tradition spirituelle m’invite à une démarche difficile, essentielle, cependant, pour mon bonheur : savoir adopter, à la place de mon projet, pourtant légitime et bien conçu, le projet d’un/e autre, projet inattendu, qui, peut-être, a priori ne me parle pas, ne me plaît pas, voire me contrarie. 

Ainsi à Noël, Joseph déconcerté par la grossesse qu’il ne s’explique pas de la jeune Marie juste avant leur mariage pense à la répudier. Il se ravise pourtant et la fait sienne avec son gamin, dans un grand respect. 

L’aquarelle m’initie à cette souplesse. J’ébauche à grands traits une silhouette sur la page blanche. Le dessin léger, en parfaite adéquation avec ce qui est au fond de moi, me plaît, mieux : me parle. Oui, ce sera ça !

Hé bien, non ! Ce ne sera pas cela… Les couleurs portées par l’eau modifient le tracé, puis se déplacent et changent. Mes tentatives pour canaliser font un autre dessin, mes rectificatifs pour restaurer les nuances produisent d’autres coloris. Le résultat n’a plus grand-chose de commun avec l’ébauche. Par chance, il me plaît aussi. Or tout bouge à nouveau. Je n’aime plus ! Je cherche à provoquer autre chose. Cela me parle à nouveau, puis de moins en moins, et finalement plus du tout et soudain… beaucoup ! Mais quelques heures plus tard, c’est, sec, encore différent, beau aussi, je le reconnais, avec quelque réticence néanmoins. 

Je me retire et reviens trois heures plus tard, prête à regarder le résultat sans plus rien en attendre. Statu quo. Je laisse passer la nuit et reviens. Oui, ce n’est pas mal… Il me faut encore du temps. Il me le faut pour m’apprivoiser à ce qui est advenu. De fait, il y a, un peu plus tard, cet étonnement : « J’ai fait ça, moi ? C’est beau. Et dire que c’est maintenant là, dire que c’est. »

Merveilleuse pédagogie ! Je comprends qu’à laisser advenir de l’autre en moi c’est du moi que je laisse faire son chemin. Je comprends qu’en laissant de l’autre exister c’est du moi que je rencontre, de grande qualité, que je n’aurais sinon vraisemblablement pas connu. Et cela n’a rien à voir avec du fusionnel. Je reste dans mon identité, qui se creuse et se déploie. Quant à l’autre, il n’est en rien absorbé. Je ne lui fais aucun tort. 

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