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04/05/2025

Il y a quelques jours, ayant avisé un banc ombragé, j'allais m'asseoir quand j'hésitai :

 un sdf, bientôt rejoint par un autre, était là, tous deux abîmés par l'errance et en état d'addiction, bien que d'élocution parfaitement sensée. Je me risquai, par fidélité à mes choix existentiels, et demeurai, bien que seule avec eux.

Je lus sans beaucoup d'interruptions l'ouvrage que j'avais apporté et nos brefs échanges de parole furent beaux. L'un des deux hommes était visiblement d'une intelligence prodigieuse. Il me fit quelques demandes auxquelles je répondis doucement mais clairement non. Il n'insista pas.

A mon départ, je dis, parce que c'était vrai : « J'étais bien avec vous, tous les deux. » L'homme qui m'avait parlé me regarda avec quelque insistance, le visage neutre, presque dur : «  Dans nos différences, qui sont grandes - homme femme, âges, cultures, conditions autres -, je peux vous reconnaître. Vous êtes quelqu'un ! » Je pris, m'inclinai, m'en allai.

Depuis, je repense souvent à ce moment et comprends que cet homme m'a bénie, priée comme la Vie nous prie, que je lui suis tout à fait redevable. Je me dis certes en riant, pour avoir si souvent ce type de proximité, en Maison d'arrêt et dans la rue, que si un jour on me retrouve assassinée, ce ne sera pas étonnant. En même temps, je crois en ces hommes fracassés et jusqu'à présent ne me suis jamais trompée. Oui, je suis immensément redevable.

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