bg

04/08/2023

Hier, c'était tempête au dehors et au dedans de moi. Tout était secoué.

Tout restait stable, mais comme épuisé, même les arbres réveillés par les pluies battantes après la canicule, mêmes les roses devenues si rares s'étirant, même les oiseaux pépiants disparus. 

Je ne comprenais pas mon peu de sensibilité au vent que j'aime, je ne comprenais pas ma frilosité en toute chose, je ne comprenais pas mon incapacité à entrer dans mes vêtements. J'étais lasse alors que tout allait bien pour moi. 

J'essayai de ne pas me juger en ce manque de dynamisme, de ne pas me bousculer. Je cherchai certes à tenir, tenir, tenir encore, et fis pas à pas ce que j'estimais avoir à faire, mais en douceur. J'allai aussi souriante vers les autres, relevai chez eux ce qui était beau, partageai avec humour par sms à quelques amis ce qu'il en était de mon état d'esprit. Ils surent encourager.

Curieusement, tout ce qui au matin partait de travers se remit en place heure par heure. Demeurait de guingois ma relecture de la journée. Jusqu'en fin d'après midi, elle me resta opaque. 

Le soir venu, juste avant la prière, je décidai brusquement de me séparer de la jupe que j'aimais beaucoup et que je portais ce jour-là, jupe crayon mi-longue, noire, de belle maille fluide, jupe correspondant au style de ce qui fut ma vie active en ma jeunesse et ma maturité, jupe symbole donc. Pourquoi ? Elle ne cadrait plus, en son inconfort, avec mon nouveau projet de vie, de confort -certes toujours esthétique- ascétique. 

J'allai, déterminée, vers le baptistère gothique en la belle église de ma prière. De gothique flamboyant, il était vraiment, comme mon cœur, incandescent dans le clair obscur. J'effleurai la pierre froide de la main et confiai à la Vie en délicieuse absence, sans rien lui demander : "Tu comprends sans doute. " et m'en allai, sans me retourner dans le soir tombant. 

Un peu plus tard, alors que j'entrais dans le sanctuaire du sommeil, je souris à la journée écoulée, toujours aussi opaque en son sens pour moi et décidai explicitement de la laisser sans étiquetage, sans jugement, sans évaluation aucune, ouverte. Je me dis que quelque chose se donnerait certainement en son temps. J'ai aimé ce respect à l'égard de l'énigme de ma journée, un respect qui se manifestait là alors que je n'en avais pas été vraiment capable jusqu'ici, respect devant et pour l'inconnu qui, finalement, est aussi respect de soi...

Le matin au réveil, je passai à l'acte et déposai la jupe dans la benne à recyclage. 

Avec du recul, je comprends que mon mal-être de la veille était ce qui se disait en surface du travail titanesque que j'opérais à ce moment-même à mon insu au fond de moi, me disjoignant tout en restant bien une, déposant courageusement celle que je fus tout en fidélité à moi cependant, me séparant de celle que je fus au temps de cette jupe pour une meilleure cohérence avec moi en mon heure présente qui, de ce fait, pourra être célébration, autre et identique. 

J'ai bien fait de ne pas me condamner en mon manque apparent de dynamisme. J'ai bien fait de maintenir mon "tenir" minimaliste mais plénier. J'ai bien fait de ne pas le recouvrir d'une évaluation qui eût rabattu sur lui le sens quel qu'il soit. Et j'ai bien fait de prier, même si ce ne fut - pourquoi pas ? - que me prier moi-même. 

fleur2