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19/07/2023

Le tragique est là, dans nos vies, dans toute vie. Oui, dans nos vies à tous ! Car, contrairement à ce que nous nous imaginons souvent, envieux du sort de l’autre qu’après tout nous ne connaissons pas, il n’est pas de « planqué » ! 

Le tragique vient à nous sans que nous l’ayons appelé. Toujours. Il ne nous demande pas notre avis. Mais parfois on le met soi-même en route et alors il avance comme un rouleau compresseur que plus rien n’arrête. De fait, généralement, une fois lancé, le tragique ne peut plus être entravé. 

Il s’agit donc pour nous, autant que faire se peut, de réagir dès qu’il se signale, a fortiori de ne pas en déclencher le mécanisme. 

Passer son temps à prévoir tous les dangers possibles et à déjà mettre en place toutes les parades avant « au cas où » n’est pas la solution. On se constitue alors prisonnier du tragique avant même que celui-ci ne se soit déclaré. 

Dans le livre biblique portant son nom, Job a cette pratique en ses jours heureux : à tout hasard, il offre des sacrifices expiatoires avant de savoir si ses fils et filles ont fauté Jb 1, 4-5. Je me demande si son comportement obsessionnel ne provoque pas le triste destin qu'on lui connaît. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas vivre ainsi. Vivre, ce n’est pas cela. 

Vivre, c’est oser en son temps voir : voir et le terrible qui vient et le beau que l’on aime menacé par ce terrible, ce qui présuppose que l'on a antérieurement perçu le beau offert dans son existence et que l'on a su alors l’estimer. Puis, c’est oser se risquer à savourer ce qui possible et se risquer à avoir peur à un moment qui surviendra on ne sait quand, une peur que nous ferons salutaire dans la mesure où nous aurons compris qu'il s'agit de trouver sans tarder un chemin dans l’aporie et nous y emploierons. Le malheur rend souvent intelligent, prodigieusement intelligent, tout à fait inventif, et bien réactif. 

Un pas plus loin, que nous ayons pu ou non modifier le destin, notre intelligence nous fera lui donner sens. Dans ces noces avec le réel, pour l’avoir pris sous notre vouloir au lieu de l’avoir sur nous subi comme un joug, nous aurons subsumé et dissout le tragique. Quitte à en être détruit, nous l’aurons comme Jacob emporté !

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