bg

17/04/2023

J’ai la chance d’aimer regarder les beaux desserts – en manger serait une  punition - et d’aimer goûter en proportion mesurée le chocolat tout simple : le chocolat noir, le chocolat au chocolat, de marque peut-être mais de grande surface, de tout petit prix. Ma tablette préférée coûte 1,29 e.

J’ai la chance d’aimer contempler dans la distance les compositions florales généreuses et d’aimer n’avoir chez moi  que l’anémone seule en grand écart éclatée, la branche de rose nue, le lys en soliflore,  tout au plus le bouquet de tulipes.

J’ai la chance de n’être pas du tout attirée par les joyaux et d’aimer les boucles d’oreilles en résine, de prendre plaisir à me dessiner moi-même un motif floral ou un animal sur un sac en similicuir de prix modique.

J’ai la chance de m’enchanter pour un savon tout simple qui sent bon, comme une enfant. Avec de l’eau chaude et sa mousse parfumée, je redeviens la petite fille d’il y a soixante ans, jouant. Comme j’écris ces lignes,  je la revois, juchée sur un tabouret devant le lavabo, manches retroussées. Elle s’applique silencieusement à son plaisir, longtemps, longtemps, pas du tout perturbée, alors qu’elle se sent toujours si vite coupable, par les admonestations en alsacien de sa grand - mère lui disant depuis la pièce voisine qu’il faut économiser l’eau.   

J’ai la chance que mes amis, qui me savent minimaliste, respectent cela. Ils se gardent de me charger, de me bourrer, de me gaver, de me lier.  Avec moi, ils renoncent aux conventions, osent venir les mains vides, entrent en libre relation, sans don et contre-don.

Oui, j’ai beaucoup de chance : cela fait chanter ma vie.

fleur2