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06/02/2023

En ce dimanche matin sinistre, partout glacial,  c’est sous les grands ciels qu’est pour la première fois montée en moi cette prière : «  Mon Dieu, donne-moi d’entrer dans mon bonheur à moi. »   

« Mon bonheur à moi » ! Je n’ai jamais dit cela.

Je sors de l’aporie, par le surgissement de cette expression, lointaine résurgence sans doute d’une chanson de Jacques Brel. Il me fallait me décoller du bonheur des autres. Cela devient possible si je parviens à penser que chacun a le sien, parce qu’effectivement « mon bonheur » ne correspond en rien ni au bonheur des autres, ni à ce qu’on appelle généralement « bonheur », ni à ce qu’on souhaiterait à ceux qu’on aime.

Je puis donc, maintenant, concevoir que moi aussi j’en aie un et, un pas loin, puis reconnaître une possibilité de bonheur en ce que je vis. J’ai donc conscience, maintenant, moi, ″Eve″ maudite, de ne plus être exilée du bonheur. Je parviens même à dire de ma vie qu’elle est bonheur pour moi, bonheur âpre, mais bonheur quand même et bonheur par moi chéri.    

Oui, c’est vrai, « mon bonheur », c’est ma vie telle qu’elle est, une vie qui a saveurs épicées, rencontres de feu et grands ciels moirés. « Mon bonheur », c’est ma vie telle qu’elle est, une vie fière avec ses limites et ses vulnérabilités épousées, avec ses angoisses et ses combats assumés, avec son art du peu choisi. « Mon bonheur », c’est une vie en liberté farouche, privilège qui m’est accordé en ce siècle et en mon pays, privilège reçu en ma culture familiale, privilège pour lequel je suis reconnaissante. 

Et voici que, bonheur pour mon bonheur, je puis enfin le reconnaître et le dire, me le dire ! Pas si sinistre que cela, ce dimanche tout gris et partout glacial ! 

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