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Mon ancien chef d’établissement, celui qui finalement en toute ma carrière fut pour moi « le » chef d’établissement et que pour cette raison j’appelais avec joie « Monsieur le Directeur », avait l’ouïe fine. Il avait repéré mon : « Je prends ». 

Je dis effectivement toujours, tant qu’il en est encore temps parce que je suis en vie, le bien, quand j’en suis témoin ou quand je le vis. Je le fais pour la justesse et la justice. Mon « je prends ! » - le point d’exclamation est ici important !!! – participe de cette dynamique. 

D’aucuns refusent, explicitement, de « prendre » ou, en silence mais visiblement, l’écartent ; d’autres encore tiennent la parole qui reconnaît leur puissance pour négligeable et passent. Dommage : quelqu’un disait en toute authenticité à ces personnes, qui pourtant, au fond d’elles-mêmes, souhaitent que cela soit : « Pour moi tu es beauté, pour moi tu es cadeau, pour moi tu es bonheur ! » et ces personnes ne prennent pas ce qui leur est là effectivement dit, ces personnes se privent elles-mêmes de ce qui leur est tendu sur plateau d’argent. Plus loin, je les vois sombrer, désespérant d’elles-mêmes. 

Inversement, j’ai le souvenir de ce détenu blême - aux Etats Unis, il eût été en couloir de la mort - à l’écoute bien que  fracassé dans l’estime de soi. Il me dit, de glace en apparence, mais la voix brièvement émerveillée : « Le bien que vous venez de dire de moi, on ne me l’a jamais dit, jamais ! ». Il osait … Comment faisait-il, lui qui ne croyait pas en lui ? 

Cet homme se risquait à me prendre au sérieux, à me laisser la responsabilité de ma parole, à me faire confiance, et à prendre, tout simplement. Il me donnait donc autorité, ce que sans son travail de libre appropriation je n’avais pas. Il me faisait cette grâce, qui m’habite encore, des mois plus tard. 

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